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La créativité, ce mot qui me sauve

La créativité, ce mot qui me sauve Posted on 19 août 20191 Comment

Franchement, j’ai toujours cru que j’étais nulle au travail. Mes collègues à qui j’en ai parlé dernièrement hallucinent.

La vérité est que dans la sphère professionnelle il a toujours existé un décalage énorme entre ce que je pense de moi et ce que les autres pensent de moi. Et j’avais tellement peur d’être remise en question du peu d’estime que j’avais de moi-même que j’ai soigneusement évité tous les retours positifs ou négatifs que l’on pouvait me faire sur la question, ce qui fait que mon point de vue n’a jamais pu évoluer. Ma peur m’a sans doute protégé du peu de confiance que j’avais mais m’a aussi maintenue dans un état de statu-quo, m’empêchant d’adopter une vision qui me soutiendrait davantage dans mes projets 🙂

  • La rencontre avec la collègue

Si vous ne l’avez pas encore compris, vous allez découvrir dans mes articles que je pense profondément que les situations dont on a besoin arrivent simplement au bon moment pour nous aider à résoudre nos problèmes du moment, et ce au travail comme dans la vie perso. L’idée c’est d’être assez introspectif pour pouvoir les repérer et de « s’en saisir comme on peut » pour avancer.

Donc, on retourne à « ce jour-là » avec une collègue que j’aime beaucoup. Nous faisons le même métier, elle me donne souvent une nouvelle perspective des choses et m’amène à m’interroger quand des situations me semblent bloquées. Donc, les yeux hallucinés, elle me dit (ou je comprends que, je ne sais plus à ce stade) qu’au lieu de considérer que je suis nulle, et puisque j’ai un tas de contre-exemples, je pourrais peut-être réfléchir à ce qui est vraiment MA façon de travailler si je n’arrive pas à me raccrocher à la définition courante. Et BIM !!!!!

Oh my God, j’avais un terrain de recherche tout neuf.

  • Mes blocages

Au cas où ça pourrait aider, voici un aperçu de ce qui m’a toujours tourmentée.

1) je suis timide, en inconfort pour m’exprimer au sein d’un groupe

Il y a trois choses. La 1e est que je me sens mal à l’aise dans les groupes, je suis sensible aux différentes énergies et ça m’épuise assez vite. La 2e est liée à la 1e, comme je suis sensible j’ai facilement peur du regard de l’autre: prendre la parole dans ce contexte me demande beaucoup d’énergie. 3) je suis plus orientée « travail » que « relations » ce qui fait que je ne trouve absolument aucun intérêt à blablater pour blablater, il me faut une raison concrète, et cette raison doit être liée à la finalité du travail. Bien sûr, je pense que la communication et la convivialité sont importantes, mais justement parce cela va nous permettre de bien faire les choses 🙂

Ça, c’est mon ressenti. La réalité telle qu’on me l’a décrit est celle-ci : si je n’exprime pas spontanément mon opinion, je sais par contre faire preuve de pédagogie dans mes propos, je m’exprime clairement, je sais convaincre, je suis assurée. Alors que je pensais que c’était vraiment mon point faible, j’ai obtenu la meilleure de mes notes pour mon dernier concours à  l’oral (14/20 et 15/20).

2) les objectifs

Je perds mes moyens quand on parle d’objectif dans le monde du travail. Vous comprenez déjà le problème: au boulot on parle tout le temps d’objectifs. En fait j’ai la sensation d’être pressée comme un citron pour un truc que la plupart du temps je ne sais pas faire. Je m’en fais immédiatement une montagne, et c’est parti pour de l’inaction au lieu d’une stimulation. Ce qui est très curieux c’est que dans la vie j’adore les challenges et je n’aime pas rester inactive (trop longtemps). J’aime beaucoup les to-do list, j’ai une sensation de plaisir inégalée quand je barre comme ça. Mais il suffit que j’associe tout ça à une attente professionnelle avec des contraintes de temps pour que ça prenne une toute autre tournure.

Je pense que je n’ai pas bien commencé, et que dans mon 1e job j’ai souffert d’un manque d’accompagnement, et que je n’ai pas encore réussi à améliorer les choses. C’est moche à dire, mais plutôt que d’affronter les choses, j’ai plutôt  abaissé mes propres critères: après tout, je fais le minimum, et quand je fais le minimum ça passe. Certains, qui ont hérité de cette façon de penser du monde scolaire, comprendront très bien 🙂

Bon, pour autant, perdre mes moyens, contourner parfois les choses, ne m’empêchent pas d’avoir une bonne appréciation ni de me fixer moi-même mes propres objectifs, nécessaires pour que je prenne du plaisir !

3) la comparaison

C’est tellement un lieu commun que je ne sais même pas s’il faut s’y attarder.

Je me souviens quand je suis entrée dans le travail d’avoir été choquée. Pour beaucoup, parler plus fort, montrer que l’on sait, rabaisser les autres, critiquer, trop travailler permettent d’être bien vus et d’avoir « une certaine aura ». Sur la base de qui est attendu dans notre organisation de travail, on se compare les uns les autres en permanence. La cause et la conséquence est souvent que l’on ne connaît pas sa valeur.

  • La créativité ou je ne suis pas nulle, je suis « normale »

Il y a des recherches sur la créativité dans le champ sur la santé au travail qui suggèrent que la créativité pourrait constituer un antidote à la souffrance dans le monde du travail.

A première vue, cela peut laisser songeur, pour ma part, on n’attend pas de moi que je crée quoique ce soit au sein de mon travail. Je suis plutôt assommée par les règles, les paradoxes, la lourdeur administrative. De plus, je ne me considère aucunement comme quelqu’un de « créa » à la base (je ne sais rien créer de particulier de mes 10 doigts) mais j’aime l’idée d’une activité qui engage complètement, par laquelle on peut être totalement absorbée. Pour l’instant, je retrouve cet état d’être dans mes activités extra-professionnelles: le théâtre, l’écriture. Au niveau professionnel, c’est très rare et cela arrive uniquement quand ce qui attendu de moi correspond à mes intérêts ou à des petits défis qu’il me plaît de me fixer. Ce qui fait que trop souvent, le travail est réalisé de façon mécanique, sans réelle satisfaction ce qui est vraiment dommage vu le temps qu’on y consacre et le potentiel que j’y trouve (en théorie j’aime ce que je fais).

La créativité, ou le processus créatif implique que l’on se confronte à son corps et au temps. Cela veut dire que cette notion permet de continuer le travail sur ses émotions et ses actions au travail et d’aller au-delà.

C’est comme si il y avait l’étape du « bien-faire », selon les normes, puis l’étape ultime de créer ses propres normes.

1) l’engagement du corps

Selon Dejours, auteur, et chercheur dans le champ du travail, le « corps est impliqué au génie de l’intelligence lorsque cette dernière est confrontée à la résistance que la matière, l’outil ou l’objet technique opposent à la maitrise et au savoir-faire de celui ou de celle qui travaille ».

Il ne s’agit pas seulement du rapport entre l’ouvrier et sa machine ou l’éleveur avec sa vache, on pourrait considérer le travail comme une géante pâte à modeler, que l’on prendrait plaisir à façonner ou à transformer. J’ai travaillé avec une collègue comme ça, qui laissait une forte empreinte d’elle-même dans son travail. Elle l’envisageait un peu comme un travail d’artisan, alors que comme pour moi, une grande partie du travail était administrative!

Le travail envisagé comme cela me paraît hautement valorisé et valorisable.

2) produire du temps

Selon Winnicot, pédopsychiatre (1975), il existerait deux modes de perception des choses: un mode créatif donnant à un individu le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue vs un mode de perception contraire, par lequel on se soumet à la réalité extérieure en s’adaptant et en s’ajustant en permanence.

Des auteurs suggèrent donc qu’afin de pouvoir « agir » dans son activité quotidienne, il faudrait faire du temps un « processus vivant ». Quitte à la voler, à l’imposer, à le provoquer. On a tous en tête un moment, une réunion, une rencontre « banale » qui nous a permis à tous d’avancer grandement dans notre travail. C’est à ce moment-là qu’on crée du temps. Cela veut dire, que l’on prend du recul par rapport au temps gestionnaire, qui se définit par une certaine rigidité, qui est dominateur et imposé, et que l’on accepte de le concevoir aussi comme un temps qualitatif et subjectif, pendant lequel il se crée quelque chose de particulier.

Cette définition plus large de temps me donne de l’air, elle donne l’opportunité d’être.

Pour conclure, je peux dire que mon rapport au travail a toujours été complexe.

Je n’arrivais à me retrouver moi-même que quand il s’agissait d’une activité choisie qui me procure du plaisir, hors un travail de la sorte n’existe pas. Je n’ai jamais réussi à adhérer aux visions gestionnaires et morcellaires du travail: avoir plus ou moins de prime, ou de la reconnaissance des chefs étaient importants mais pas suffisants pour réussir à me faire sortir de ma torpeur intérieure.

Comme si tout cela de toute façon sonnerait faux pour moi.

En revanche, je trouve dans la vision dynamique et engageante du travail créatif,  un cadre de pensée intéressant qui me permet de pouvoir agir concrètement sur mes blocages. Si en parallèle de ce qui m’est demandé, je peux m’exprimer par mes paroles mais aussi par mes actes, je me définis des objectifs personnels sur lesquels je peux vraiment éprouver de la fierté, je mets le curseur sur des aspects en particulier du travail,  je peux dépasser ma triste  (et fausse) vision de moi au travail.

Et ce faisant, le travail devient une activité pleine de sens au sein de sa vie.

Dans un environnement de travail morose, compétitif, changeant en permanence, cela permet aussi de rester centré sur les choses qui nous paraissent importantes, et ça c’est du luxe.

Cela nécessite de repenser complètement ma manière de faire, et c’est plutôt cool : j’en parlerai peut- être  dans un futur article quand j’aurai mis en place et pris du recul.

Je vous souhaite une bonne journée,

Carol

1 comment

  1. Je mentionne une source importante pour la rédaction de cet article : ” la créativité au travail” sous la direction de Gilles Amado, Jean-Philippe Bouilloud, Dominique Lhuillier, Anne-Lise Ulmann, Ères édition, 2017.

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