La santé au travail Posted on 18 novembre 20181 Comment

La relation entre ce qui est considéré comme normal (la santé) et le pathologique (la maladie) n’est pas évidente. Par exemple si l’on considère la vie Stephen Hawking, personnalité scientifique atteinte d’une maladie chronique, il devait considérer sa vie au quotidien de « normale ». Je parle de lui car pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de ses travaux, il s’agissait d’un grand physicien qui était atteint de la maladie de Charcot. Cet homme au destin extraordinaire avait réussi à vivre jusqu’à 76 ans, alors qu’à 20 ans on lui avait diagnostiqué sa maladie et 2 ans à vivre.

C’est l’occasion de présenter en un article ce que je pense du lien entre la santé et le travail. Je m’inspire largement au travail comme dans ce blog de la notion de santé au travail développée par Georges Canguilhem en 1943 dans son ouvrage « Le normal et le pathologique ».  Philosophe et médecin, celui-ci (1904-1995) avait  développé une approche de la maladie différente de celle de la médecine classique.

Aujourd’hui, nous pouvons retrouver ces deux approches dans les différents types de prise en charge médicale, quoique l’approche classique reste selon moi ultra majoritaire.

  1. Le lien entre la santé et la maladie

Nous avons l’image de la santé parfaite, considérant qu’il s’agit d’un idéal à atteindre, et de la maladie comme résultat d’un déficit ou d’un excès d’un élément.

Or Canguilhem a considéré que loin d’être un état permanent parfait, la santé serait plutôt un effort permanent permettant d’aboutir à un nouvel état d’équilibre dans le milieu dans lequel nous évoluons. Ce serait la possibilité de tolérer les infractions à la norme habituelle et d’instituer des normes nouvelles dans des situations nouvelles.

La santé peut être donc envisagée comme la capacité à créer de nouvelles normes afin de transformer son milieu.

Il est plus aisé de prendre un exemple avec une personne ayant une affection au niveau physique. Une personne ayant perdu un membre va soit adapter ses gestes de la vie quotidienne avec d’autres mouvements (mon ex-conjoint a perdu il y a longtemps un doigt dans un accident, depuis, il ne fait pas ses lacets ni  comme vous ni comme moi), ou alors se voir poser un ou plusieurs appareillages externes quand c’est plus lourd (notre ami Stephen). On peut considérer qu’ils sont « en santé » puisqu’ils ont été capables de s’adapter pour vivre « normalement », c’est-à-dire qu’ils ont des ressources pour faire face aux différentes situations de la vie extérieure.

Faisons le point :

  • La santé n’est pas un état figé, n’est pas un idéal mais plutôt à la fois une visée et un processus ; la santé est dynamique
  • La santé a un caractère subjectif, puisque c’est la personne qui détient la capacité à construire ses propres normes.

Concernant les maladies d’ordre psychique, je pense au burnout, je pense également que l’on a intérêt à prendre ces données en considération pour permettre à tout un chacun d’identifier sa problématique propre, de créer ses ressources pour permettre de s’adapter en tenant compte de ses fragilités et du contexte dans lequel il vit (bien comprendre que je parle de s’adapter et non pas de subir !). Nous allons voir dans ce qui suit que non, nous n’allons pas pouvoir nous débarrasser du burn out avec une pilule magique qui permettrait de le jeter aux oubliettes. Faire face nécessite de l’implication personnel.

2.  Le lien entre santé et travail

Historiquement, les médecins du travail ont étudié le rapport santé-travail sous l’angle de la détérioration de la santé à cause du travail. Dans le contexte de l’industrialisation et de l’après-guerre, il s’est agi de détecter les maladies liées au métier, puis des impacts des organisations de travail sur les travailleurs. C’est dans cette continuité que de nombreux textes de loi ont vu le jour, de l’amiante aux textes sur les risques psycho-sociaux en 2002.

Dans cette conception de cause à effet,  l’identification de la cause de la maladie (diagnostic) va permettre de trouver les solutions adaptées pour en corriger les effets (thérapies, médicaments, aménagements,  etc.), en occultant, souvent, toute composante liée à l’état d’esprit de la personne affectée au niveau de sa santé.

Le diagnostic est souvent difficile

Lorsque l’on est confronté à une situation de burnout au travail, affection psychique au 1e plan et qui va avoir des répercussions physiques, le défi va donc déjà être d’identifier ce qui se passe. Le problème est que la plupart de temps, les symptômes ressentis sont ignorés, ou diffus ; et qu’ils vont être interprétés  prioritairement comme une conséquence normale en réaction avec un événement externe (réorganisations, licenciement, etc.).

Illustrons avec un exemple. En ce qui me concerne, je donnais parfaitement le change au travail, même si je ressentais cette tension à l’intérieur de moi que je ne montrais pas, et que je ne voulais pas reconnaître. Avec le recul, ce que je peux décrire est que je me trouvais dans un mode de vie « rétréci », je voulais réfléchir le moins possible, je voulais moins voir mes amis car je n’étais pas d’humeur, je me sentais bloquée, angoissée le dimanche après-midi car la fin du week-end approchait, et le matin j’avais la boule au ventre en allant travailler. Je semblais détachée car je ne voulais pas me connecter à ce que je ressentais. D’ailleurs, au fond, je crois que j’ai toujours beaucoup fonctionné comme ça et cela ne me semblait pas anormal.

Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de consulter les médecins, et qui n’ont pas de service de médecine du travail à proximité, je retiens plusieurs points de Canguilhem qui pourraient guider l’analyse et l’action :

  • C’est le « patient » qui détermine s’il se sent mal ou pas, en rapport avec son fonctionnement habituel ;
  • Quand on n’arrive plus à réagir aux diverses sollicitations de la vie courante, on doit s’inquiéter, surtout si l’on est confronté par ailleurs à des événements stresseurs ;
  • Une fois l’état de situation « posé », on sait que les objectifs à fixer de manière progressive sont de retrouver un mode de fonctionnement élargi,
  • Il n’est point la peine d’essayer de retrouver son état de santé antérieur, il s’agit pour moi là de l’erreur commise la plus importante car génératrice de frustrations majeures.

Un processus de guérison guidé par la recherche de sa propre santé au travail ( au sens de Canguilhem)

En réalité, il s’agit là, comme pour les affections physiques de recréer un nouveau système de vie plus en adéquation avec sa réalité (comme Stephen). Cela veut réellement dire se réapproprier de ses ressources, en développer d’autres, pour pouvoir faire face aux aléas de la vie, et aussi pour s’exprimer pleinement… C’est recréer son équilibre précaire.

La guérison face à une maladie, à un symptôme ou à un syndrôme, ne correspond donc pas au fait de répondre au schéma : « j’ai une maladie, je dois être soigné en réponse  à cette maladie pour retrouver la santé », mais plutôt : « j’ai une maladie qui m’indique des choses sur moi-même, dont je dois tenir compte pour trouver mon nouvel équilibre ». On retrouve donc l’intervention de l’esprit, qui par sa volonté, va de mieux en mieux s’accorder au vécu d’une vie simple, saine, naturelle.

On peut conclure sur le fait que l’utilisation des médicaments, des aménagements, doivent pour porter leurs effets sur le long terme être associés à un changement de perspective que la personne doit vouloir engager (elle seule peut le faire) pour être en santé et bien se porter, que l’on se trouve dans la sphère personnelle ou au travail.

 

Cet article est très technique et pourtant fondamental pour comprendre comment « être en santé » dans le milieu du travail. Des témoignages pourraient être écrits si vous le demandez J

Je vous dis à bientôt,

 

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