« Je suis une vraie éponge émotionnelle », « je n’arrive plus à mettre de distance avec les autres »…
J’écris ici pour tous ceux qui se laissent facilement toucher par la souffrance des autres, et en particulier pour les travailleurs sociaux (ou ceux qui travaillent dans le secteur social), qui sont confrontés dans leur métier à des personnes qui vivent des situations difficiles, adultes ou enfants.
Nous sommes à une ère où cette profession est exposée aux pires situations que l’on rencontre dans la société: précarisation suite à une perte d’emploi, violences conjugales, maltraitances…et, par ricochet, cela arrive de recevoir cette souffrance de plein fouet, par contamination de celle des autres.
Et là, il peut être facile de se laisser piéger par le syndrôme du sauveur. Il est présent quand on pense qu’il faut tout le temps faire le maximum pour toutes les familles: insister, ne pas compter ses heures, finir en urgence le rapport pour le tribunal pour un placement en urgence…et les situations s’empilent… on n’a jamais fini, et surtout on finit par s’épuiser.
Selon moi, il s’agit là d’un vrai risque: car, à partir de sentiments « nobles », on se met soi en danger.
Peut-être êtes- vous accrochés à l’idée que vous avez la capacité d’agir pour les autres, et qu’ils ont besoin de vous. Ce sont des pensées, façonnant une identité qui se construira autour du fait d’être celui/celle qui peut aider l’autre et qui pourra la (le) sortir du pétrin.
Cela génère un appel à l’action, un engagement fort, une légitimité qui en découle assez naturellement. Mais avec le temps, tout cela peut se révéler très toxique pour soi, mais aussi pour ceux pour qui on agit. Vous devenez un ange qui se laisse couper ses ailes.
Je m’explique.
1. Sa souffrance et celle des autres
Il y a bien sûr le fait de confondre sa souffrance, celle qu’on ressent, celle qui résonne dans sa propre histoire avec celle des autres. Faire la part des choses entre de vraies urgences, et le reste des situations qui demande un accompagnement dans le temps est très utile.
Quelques fois, à ne pas se précipiter on peut se laisser surprendre, et découvrir que certaines personnes ont des ressources insoupçonnées. C’est valable pour tous les êtres humains : c’est dans les difficultés (une partie de la vie, en somme), qu’on réussit à se transformer, à changer les choses, à prendre une décision qui fera la différence. Garder la tête froide entre ce qui relève de soi et ce qui relève des autres est déjà un grand pas.
2. L’assistanat vs l’autonomisation
Ensuite, le gros souci dans cette façon d’être, est que plus on donne plus on va être attiré par ceux qui demandent beaucoup (voir les clés systémiques de l’équilibre ici et ici ). Observez autour de vous, on voit toujours cela: sans rentrer dans la complexité des choses, on peut dire qu’une personne souple va souvent se trouver dans des relations avec des personnes qui aura des comportements plus rigides. En faisant cela, on s’éloigne donc naturellement des personnes les plus autonomes. Le risque, quand cela fait partie de son identité, est de s’habituer et à en retirer de la satisfaction. En clair, on se définit par le fait d’être la personne sans laquelle l’autre ne peut pas se débrouiller. Parvenir à se détacher de cette image beaucoup véhiculée dans la société, d’une personne qui donne sa vie pour aider ou « sauver » les autres est un vrai travail sur soi.
3. Le bon moment pour changer de perspective
De ce que j’observe, il est de moins en moins possible de fonctionner sur ce mode.
Quand on a du « mal à s’arrêter », on entre sans le savoir dans une spirale négative, dans laquelle plus on donne, plus il nous est demandé de donner. On ne peut s’en sortir que quand on arrive à dire STOP.
C’est à ce moment précis que l’on peut s’apercevoir que ce n’était pas une attitude « normale », puisqu’on sera amené à rectifier le tir pour se préserver soi, et aussi pour autonomiser ceux avec qui on travaille.
Il y a toujours ceux qui défendront el fait que l’assistance aux personnes constitue l’essence du travail d’aide.
Mais si vous êtes fatigués, épuisés, et que vous n’arrivez pas à mettre de limites, je suggère de vous interroger sur le syndrôme du sauveur, des raisons pour lesquelles, vous préférez privilégier l’autre à vous, en y laissant votre santé.
Je vous propose donc une petite introspection des dernières actions qui ont provoqué une fatigue morale : pourquoi c’était trop ? Pourquoi je fais trop ? Est-ce que je peux essayer de faire autrement, de façon à mieux me préserver ?
N’hésitez pas à mettre en commentaire ce que vous en pensez,
A bientôt ;
Carol